La promesse NextGen SOC : la fin des SIEM ?
Depuis quelques années, l'industrie nous vend une vision séduisante : le NextGen SOC. Exit les SIEM lourds et complexes, place aux data pipelines modernes, aux plateformes unifiées, à l'IA qui fait tout automatiquement, aux équipes réduites qui pilotent des écosystèmes entiers.
Est-ce un vrai programme structurant ou de l'intox marketing pour vendre la énième révolution technologique ?
La réponse est nuancée : c'est à la fois une vraie évolution nécessaire ET un risque de tomber dans le piège du buzzword si on n'adopte pas la bonne approche.
Ce qui change vraiment
- Fin de l'ère SIEM traditionnel : trop chers, trop complexes, trop lents
- Data pipelines modernes : stockage objet, requêtes à la demande, coûts optimisés
- Plateformes unifiées : EDR + XDR + SIEM + SOAR dans un seul écosystème
- IA et hyperautomation : moins de personnes, plus d'efficacité
- Modèle cloud-native : déploiement rapide, scalabilité automatique
Mais pour que cette vision devienne réalité et pas juste un nouveau gouffre budgétaire, il faut l'ancrer dans un programme d'hygiène solide et la penser pour ceux qui en ont vraiment besoin : les PME.
2025 : l'année de la réduction budgétaire
La réalité économique
Parlons cash. Nous arrivons en fin d'année 2025, et les budgets cyber sont sous pression. Les directions financières demandent des comptes. Les investissements massifs des années précédentes doivent montrer des résultats tangibles.
Les RSSI sont face à un dilemme :
- Les menaces ne diminuent pas, au contraire
- Les exigences réglementaires augmentent (NIS2, DORA...)
- Mais les budgets stagnent ou baissent
- Et les ressources humaines qualifiées sont rares et chères
Dans ce contexte, l'approche NextGen SOC devient une nécessité économique, pas un luxe technologique.
Le calcul qui fait mal
Modèle traditionnel (PME/ETI) :
- SIEM : 150-300K€/an (licences + infrastructure)
- EDR : 50-100K€/an
- SOAR : 80-150K€/an
- Threat Intel : 30-50K€/an
- Équipe SOC : 3-5 personnes (300-500K€/an)
- Total : 600K€ - 1M€/an minimum
Résultat : Inaccessible pour 90% des entreprises françaises.
Le modèle micro-plateforme : faire plus avec moins
Qu'est-ce qu'une micro-plateforme ?
Une micro-plateforme, c'est une approche radicalement différente :
- Unification des outils : une seule plateforme intègre EDR, XDR, détection réseau, vulnérabilités, identités
- Cloud-native : pas d'infrastructure à gérer, déploiement en jours
- Hyperautomation : l'IA gère 80% des alertes, les humains ne traitent que le critique
- Data pipeline moderne : stockage objet low-cost, requêtes à la demande, pas de SIEM obèse
- Équipe réduite : 1-2 personnes au lieu de 5-10, grâce à l'automatisation
- Coût maîtrisé : modèle OpEx prévisible, pas de surprise
L'équation économique change
Modèle micro-plateforme (PME/ETI) :
- Plateforme unifiée (EDR+XDR+Data lake+Auto) : 150-250K€/an
- ASM/EASM intégré : inclus
- Threat Intel intégrée : inclus
- Orchestration et automatisation : inclus
- Équipe réduite : 1-2 personnes (100-200K€/an)
- Total : 250-450K€/an
Économie : 40-60% par rapport au modèle traditionnel
Mais attention : cette économie n'est réelle que si vous avez fait le travail d'hygiène avant. Sinon, vous allez juste automatiser le chaos.
L'hygiène : la fondation indispensable
Pourquoi l'hygiène doit précéder la plateforme
Déployer une micro-plateforme NextGen sans hygiène préalable, c'est comme installer un système de pilotage automatique dans une voiture dont vous ne connaissez pas l'état des freins.
L'hyperautomation et l'IA fonctionnent en s'appuyant sur :
- Un inventaire fiable : l'IA doit savoir ce qui est normal pour détecter l'anormal
- Des baselines comportementales : impossible sans connaissance des usages métier
- Une gestion des identités propre : l'IA ne peut pas deviner quels comptes sont légitimes
- Une cartographie réseau claire : pour détecter les mouvements latéraux anormaux
- Des vulnérabilités maîtrisées : pour prioriser les alertes qui comptent vraiment
L'erreur classique
Scenario catastrophe :
- Acheter une plateforme NextGen SOC toute neuve
- L'activer sans travail d'hygiène préalable
- Recevoir 10 000 alertes par jour
- L'IA génère 1 000 faux positifs automatiques
- L'équipe (réduite) est submergée
- Perdre confiance dans la plateforme
- Retour à la gestion manuelle = échec complet
La bonne séquence
Pour réussir le passage au NextGen SOC, il faut suivre cette séquence :
- Phase d'hygiène (3-6 mois) :
- Inventaire complet des assets
- Gestion des identités et privilèges
- Cartographie réseau et flux
- Scan et remédiation des vulnérabilités critiques
- Déploiement EDR (1-2 mois) :
- Couverture complète des endpoints
- Création des baselines comportementales
- Tuning initial (réduction des faux positifs)
- Activation de la plateforme unifiée (2-3 mois) :
- Intégration EDR + réseau + cloud + identités
- Configuration des data pipelines
- Mise en place de l'automatisation de niveau 1
- Hyperautomation progressive (6-12 mois) :
- Machine learning sur les données historiques
- Automatisation des réponses aux incidents standards
- Réduction progressive de l'équipe (par attrition naturelle)
Durée totale : 12-24 mois pour un NextGen SOC pleinement opérationnel
Moins de gens, plus d'IA : la nouvelle équation
L'hyperautomation n'est pas un fantasme
Les RSSI ont longtemps rêvé de réduire la dépendance aux analystes SOC, rares et chers. Avec l'IA générative et les progrès du machine learning, ce n'est plus un rêve mais une réalité opérationnelle.
Ce que l'IA fait déjà très bien
- Triage des alertes : distinction automatique entre vrai positif et faux positif
- Enrichissement contextuel : agrégation automatique de toutes les infos pertinentes
- Corrélation temporelle : détection de séquences d'attaques sur plusieurs jours
- Réponse automatisée : isolation d'endpoint, blocage de compte, mise en quarantaine
- Génération de rapports : synthèse automatique d'incidents pour le COMEX
- Suggestions de remédiation : proposition d'actions basées sur des incidents similaires passés
Le rôle de l'humain évolue
L'hyperautomation ne supprime pas l'humain, elle le recentre sur sa vraie valeur ajoutée :
- Analyse des cas complexes : APT, attaques sophistiquées, 0-days
- Threat hunting proactif : chercher ce que l'IA n'a pas encore appris à voir
- Amélioration continue : tuning de l'IA, création de nouvelles règles
- Communication stratégique : dialogue avec le COMEX, les métiers
- Veille et innovation : intégration de nouvelles techniques de détection
Résultat : 1-2 analystes seniors qui pilotent une plateforme hyperautomatisée sont plus efficaces que 5-10 analystes juniors noyés dans les alertes manuelles.
La réalité des chiffres
SOC traditionnel (taille moyenne) :
- 5 analystes N1 (traitement des alertes simples)
- 2 analystes N2 (investigation des incidents)
- 1 analyste N3 (threat hunting, cas complexes)
- 1 manager SOC
- Total : 9 personnes, coût 700K€-1M€/an
- Temps moyen de traitement par alerte : 20 minutes
- Taux de faux positifs : 60-70%
SOC NextGen hyperautomatisé :
- 1 analyste senior (pilotage IA, threat hunting, cas complexes)
- 1 ingénieur plateforme (tuning, amélioration continue)
- Total : 2 personnes, coût 150-250K€/an
- Temps moyen de traitement automatique : 2 minutes
- Taux de faux positifs (après tuning) : 20-30%
- Économie : 70% sur les RH
Le vrai marché : les PME, pas le CAC40
L'erreur de perspective de l'industrie
Les éditeurs et analystes parlent toujours des grandes entreprises. Dernières attaques sur le CAC40, SOC de 50 personnes chez Total, budget cyber de 100M€ chez BNP Paribas...
Mais ce n'est pas le vrai marché.
Le tissu économique français (et européen), c'est :
- 98% de PME et ETI (moins de 5000 salariés)
- Qui génèrent 60% du PIB
- Qui emploient 70% des salariés
- Qui sont tout aussi ciblées par les ransomwares et APT
- Mais qui n'ont ni les budgets, ni les ressources pour un SOC traditionnel
La réalité de la PME/ETI
Profil type : ETI de 1000 personnes, 200M€ de CA
- Budget cyber total : 500K€ - 1M€/an (0,3-0,5% du CA)
- Équipe IT : 15 personnes
- Équipe sécu dédiée : 1-2 personnes (souvent un RSSI à temps partiel)
- Maturité cyber : faible à moyenne
- Exigences : NIS2, ISO 27001, cyber-assurance
- Menaces : ransomware, phishing, supply chain
Besoin réel :
- Détection et réponse rapide aux incidents
- Gestion des vulnérabilités efficace
- Conformité réglementaire
- Budget maîtrisé et prévisible
- Pas de ressources pour gérer 10 outils différents
Pour cette entreprise, le modèle traditionnel est inaccessible. Le modèle NextGen SOC en micro-plateforme est la seule option viable.
La plateforme unifiée : concrètement, ça ressemble à quoi ?
Architecture technique
Une vraie plateforme unifiée NextGen SOC intègre :
Briques techniques essentielles
1. Collecte et normalisation
- Agents EDR/XDR sur endpoints (Windows, Mac, Linux, mobile)
- Collecteurs réseau (NetFlow, packet capture sélective)
- Intégrations cloud natives (AWS, Azure, GCP)
- Connecteurs API vers SaaS (M365, Google Workspace, Salesforce...)
- Intégration IAM/PAM (Active Directory, Okta, CyberArk...)
2. Data pipeline moderne
- Ingestion temps réel (streaming)
- Normalisation automatique (parsing, enrichissement)
- Stockage objet low-cost (S3, Azure Blob, GCP Storage)
- Data lake avec rétention longue (1-3 ans)
- Requêtes à la demande (sans indexation préalable = économie massive)
3. Détection et corrélation
- Règles de détection natives (MITRE ATT&CK)
- Machine learning comportemental (baselines automatiques)
- Détection d'anomalies (UEBA pour utilisateurs et entités)
- Threat intelligence intégrée (IoC, TTPs, campagnes actives)
- Corrélation cross-sources (endpoint + réseau + cloud + identités)
4. Hyperautomation et réponse
- Triage automatique des alertes (IA)
- Enrichissement contextuel automatique
- Réponses automatisées (isolation, blocage, quarantaine)
- Playbooks SOAR natifs
- Génération automatique de tickets et rapports
5. Gestion des vulnérabilités intégrée
- Scan continu via agents
- Priorisation automatique (CVSS + contexte + exploitation)
- Corrélation avec les alertes (vulnérabilité exploitée = priorité max)
- Suivi des remédiations
6. ASM/EASM intégré
- Découverte automatique de la surface d'attaque externe
- Scan continu des assets exposés
- Détection de shadow IT
- Corrélation externe/interne
Interface et pilotage
Une interface unique pour :
- Dashboard temps réel (alertes, incidents, métriques)
- Investigation (timeline, graphes de corrélation)
- Threat hunting (requêtes ad-hoc sur le data lake)
- Gestion des vulnérabilités
- Reporting COMEX (risque, conformité, tendances)
Objectif : un seul onglet de navigateur ouvert, au lieu de 10 consoles différentes.
Vrai programme ou intox marketing ?
Les signaux d'un vrai programme
Un éditeur qui vend un vrai programme NextGen SOC doit pouvoir répondre OUI à ces questions :
Checklist anti-bullshit
- ✅ Architecture cloud-native : pas de VM à gérer, scalabilité auto
- ✅ Data lake moderne : stockage objet, requêtes à la demande, pas de SIEM obèse
- ✅ Intégrations natives : pas de connecteurs en option facturés en extra
- ✅ IA/ML en prod : pas juste une roadmap, mais des features actives
- ✅ Automatisation SOAR native : pas un produit séparé à acheter
- ✅ Pricing transparent : par endpoint ou par GB ingéré, prévisible
- ✅ Déploiement rapide : POC en 1 semaine, prod en 1 mois
- ✅ Références PME/ETI : pas que des logos du CAC40
Les signaux d'intox marketing
Méfiez-vous si vous entendez :
- ❌ "Notre plateforme unifie tout" → mais il faut acheter 5 SKU différents
- ❌ "IA révolutionnaire" → mais c'est juste du pattern matching basique
- ❌ "Cloud-native" → mais il faut quand même des appliances on-prem
- ❌ "Réduction d'équipe de 80%" → mais seulement après 3 ans de tuning
- ❌ "Data lake infini" → mais avec un pricing qui explose au-delà de 100GB/jour
- ❌ "Automatisation complète" → mais il faut développer les playbooks vous-même
- ❌ "Déploiement en 1 jour" → mais mise en production réelle après 6 mois
Règle d'or : Demandez un POC de 30 jours sur votre environnement réel, avec vos données réelles, et mesurez les résultats.
Le cheval de bataille de la cyber : hygiène + micro-plateforme
Ma conviction profonde
Après plus de 15 ans dans la cybersécurité, après avoir fondé SOC, CTI et CERT, après avoir accompagné des dizaines d'entreprises de toutes tailles, voici ma conviction :
Le futur de la cybersécurité pour 90% des entreprises, c'est l'alliance de l'hygiène rigoureuse et des micro-plateformes hyperautomatisées.
Le modèle gagnant pour les PME/ETI en 2025-2030
1. Hygiène comme fondation (3-6 mois)
- Inventaire complet et tenu à jour
- Gestion rigoureuse des identités et privilèges
- Cartographie réseau et segmentation
- Gestion des vulnérabilités avec priorisation
- Sensibilisation et formation continue
2. Micro-plateforme unifiée (6-12 mois)
- EDR/XDR sur tous les endpoints
- Data lake moderne pour tous les logs
- Détection comportementale par IA/ML
- Automatisation des réponses niveau 1
- Gestion intégrée des vulnérabilités
- ASM/EASM pour la surface externe
3. Équipe réduite et efficace
- 1-2 personnes internes senior
- Support éditeur réactif (24/7)
- Optionnel : MDR pour le monitoring H24
- Optionnel : MSSP pour le threat hunting périodique
4. Budget maîtrisé et prévisible
- Plateforme : 150-300K€/an selon la taille
- RH internes : 100-200K€/an
- Services externes (optionnel) : 50-100K€/an
- Total : 300-600K€/an all-in
- Soit 50-70% moins cher que le modèle traditionnel
Ce modèle est accessible, opérationnel, et efficace. Il permet à une PME de 500-2000 personnes d'avoir un niveau de cybersécurité équivalent à celui d'un grand groupe, pour une fraction du coût.
Conclusion : la révolution est là, mais pas pour tout le monde
Le NextGen SOC, la fin des SIEM, les data pipelines, l'hyperautomation : tout cela est réel. Ce n'est pas du marketing.
Mais cette révolution ne bénéficiera qu'à ceux qui auront fait le travail de fond :
- Hygiène avant technologie : impossible d'automatiser le chaos
- Programme avant outil : une plateforme sans processus est inutile
- Pragmatisme avant buzzwords : POC avant achat, métriques avant marketing
- PME/ETI avant CAC40 : c'est là que le modèle a le plus d'impact
Les trois erreurs à éviter absolument
- Acheter la plateforme sans hygiène préalable → noyade dans les faux positifs
- Croire que l'IA remplace tout → elle amplifie, ne remplace pas
- Copier le modèle CAC40 → inadapté et hors budget pour les PME
Le cheval de bataille de la cyber pour les 10 prochaines années, c'est l'accessibilité : permettre à toutes les entreprises, pas seulement les géants, d'avoir une cybersécurité efficace.
Les micro-plateformes unifiées, hyperautomatisées, avec peu de main d'œuvre et un budget maîtrisé, sont la clé de cette démocratisation.
À condition de ne jamais oublier que tout repose sur l'hygiène.
Sans hygiène, la plus belle plateforme du monde n'est qu'un nouveau jouet coûteux qui finira dans le placard des outils inutilisés.
Avec hygiène, c'est une révolution qui rend la cybersécurité enfin accessible à tous.